La décision de la Cour d’Appel d’Aix en Provence concernant Cédric
Herrou est proprement stupéfiante sur le plan juridique, et très
inquiétante si elle fait durablement jurisprudence. Résumé :
(1)
L’article L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du
droit d’asile punit de 30 000 euros d’amende et d’une peine de cinq ans
d’emprisonnement « toute personne qui aura, par aide directe ou
indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le
séjour irréguliers d’un étranger en France ».
(2) En décembre 2012,
une loi a précisé que l’aide au séjour ne peut donner lieu à des
poursuites pénales « lorsque l’acte reproché n’a donné lieu à aucune
contrepartie directe ou indirecte et consistait à fournir des conseils
juridiques ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins
médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à
l’étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou
l’intégrité physique de celui-ci ». Ces exceptions ne concernent
cependant pas l’aide à l’entrée et à la circulation des étrangers en
situation irrégulière, seulement l’aide au séjour.
Ce texte avait à
l’évidence pour but de mettre à l’abri des poursuites les personnes qui -
contrairement aux passeurs - aident les migrants à titre humanitaire,
sans recevoir de contrepartie en argent ou en nature. C’est sur cette
base que Cédric Herrou a été relaxé en 1ère instance de tous les motifs
de poursuite autres que l’aide au franchissement de la frontière (pour
laquelle il avait été condamné à une peine symbolique).
(3)
L’affaire aurait dû s’arrêter là, mais c’était sans compter sur
l’acharnement du Procureur qui a fait appel. Et voilà qu’à cette
occasion la Cour d’Appel, pour condamner et intimider C. Herrou – et
au-delà tous ceux qui contrarient par leur action la politique
migratoire en vigueur – développe un raisonnement juridiquement plus que
scabreux.
Cédric Herrou n’a pas reçu des migrants qu’il aidé de
contrepartie financière ou en nature ? certes, c’est le moins que l’on
puisse dire. Mais qu’à cela ne tienne : la Cour trouve la contrepartie
dans « la démarche d’action militante en vue de soustraire des étrangers
aux contrôles mis en œuvre par les autorités » que mène et revendique
C. Herrou.
Ce que donne C. Herrou devient quelque chose qu’il
recevrait ! Pareil raisonnement est très inquiétant et permet de
criminaliser en un grossier tour de passe-passe toute action humanitaire
de soutien aux migrants. Il faut tout faire pour que la C.A. d’Aix qui
s’illustre-là bien tristement, ne fasse pas école
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